Une jour de plus pour Manille, un an de plus pour moi...
Retour sur images. 18 mars 2010. 8 heures. J’arrive à l’université. La salle des crevettes est déserte, aucun banc de poissons a l’horizon. Une grande enveloppe git sur mon bureau. Je m’en approche. « To : Mademoiselle Solenn Lesage, 18 mars 2010 » apparait noir sur blanc. Je commence à les soupçonner du meilleur quand soudain entre une crevette, suivie d’une autre, puis de la suivante… et hourrah ! Ils entonnent un « joyeuzzzanniversaire madaaam’ » et me menacent avec un colossal gâteau ‘tellement il est beau il doit pas être bon’, typique du continent. Ils allument la bougie pivoine et bam ! elle se transforme ingénieusement en piste disco a bougies.
Je suis émue et je retiens mon jet lacrymal latent. Je ne dois pas perdre la face. Je souris et frappe des mains ! Oh je viens d’amasser des kilogrammes d’amour de crevettes, comme c’est bon !!! Je suis une goulue. Leur carte fort élaborée me confond en jolis mots et m’envoie sur des lauriers (Extrait : Bonjour Madame Solenn ! Maligayang kaarawan Bb Lesage, Sana maging masaya ka hindi lang pa iyong kaarawan, kung di pa tanang khuray mo, pagpalain ka nang panginoon at lagi kang pog-ngatan salamat, etc etc).
La crevette devient mon crustacé préféré à ce moment-la, devançant même le poulpe.
Nous faisons tout de même cours, mais pour rester dans le thème, la leçon porte sur le sandwiche aux radis.
9h40. Mon deuxième banc de crevettes entre en scène. Ils sont tous plus excites les uns que les autres par l’événement. Madame le professeur a 26 ans ! Eux aussi chantonnent gaiement le tube du jour et sont heureux de m’offrir un joli cheese-cake à l’Oreo (spéciale dédicace à Delfino). L’extrême joie ambiante roule sous mon épiderme. J’ai la chair de crevette.
11h20. Les crevettes rock montrent leur cœur tendre et catapultent mon ego. Leur banderole « Joyeux Anniversaire Madame Solenn », les jolis mots qui la parcourent et la gourde qu’ils m’offrent me font aimer mon métier à cet endroit, à ce moment. (Extrait : Joyeux anniversaire mademoiselle. Je vous remercie pour la tout. J’adore votre française classe. Je apprendre la tout en classe. Je vous souhaite plusieurs anniversaires. Thank you and God Bless.)
C’est chouette hein la tout ?
12h50. Je repars les bras pleins de crème au beurre hydrogéné et j’aime ca. Je plane malgré les 3 kilos d’amour qui m’encombrent… Love love love. Je ne prends pas une ride.
13h30. Je rentre dans ma demeure du ciel. Ma M’man m’a fait parvenir un gros colis surprise mais Coco Pop l’a tellement bien cache que je ne peux ouvrir mes cadeaux. Grrrr ! Je vais chez le coiffeur puisque c’est comme ca.
Chez le coiffeur. 14h50. Je demande un soin pour mes fils secs et capillaires qui me servent de cheveux. Première en Asie pour moua, je les confie à un expert local « de-chez-Franck-Provost ». 15h00. Deo me demande comment je le veux : soft, medium or hard ? Medium, pour ne pas prendre de risques. Je ne sais pas de quoi il parle... Je comprends vite. Hum… oooooh….aaahhh. Deo va me masser pendant une heure, pour tenter de me faire oublier que j’ai la tête enrobée dans du cellophane. J’oublie. Totalement. Deo me masse aussi les seins et je me demande si c’est normal chez un coiffeur. (Plus tard j’apprendrai que non).
16h00. Je reprends contact avec la réalité. Je suis aux Philippines, j’ai 26 ans aujourd’hui, je vais chez l’ambassadeur suisse ce soir, j’ai le brushing de Farrah Fawcett.
16h30. Youpi !!! Coco Pop m’a rendu mon colis ! Merci pour
les pansements avec des tortues dessus, M’man !!! Et merci tout court!!! It helps to make this
day so special…
17h00. Qu’est-ce qui peut aussi rendre un anniversaire aussi spécial a Manille… ? Ah oui, une soirée chez l’ambassadeur ! Les relations, vous savez… Je sors ma robe de princesse pour l’assortir à ma chevelure d’ange (joke !), mets du rose sur mes joues, des sandales de vair a mes pieds pour que lorsque minuit sonne… Je pense à mon prince. Je pense encore à mes chances de rencontrer le fils de l’ambassadeur (suisse, ca marche aussi). J’agis.
18h30. La citrouille nous dépose à la résidence de l’ambassadeur. A l’entrée, nous serrons les mains de quelques potiches qui nous accueillent. Ah ! Ce sont Messieurs les ambassadeurs de Suisse, de Belgique et du Canada ! J’adooore le protocole à cet endroit, a ce moment. Trois pas plus tard, on m’impose dans la main droite une coupe de champagne. Deux pas de plus, je déguste une bouchée délicate qui séduit mes papilles. Encore trois pas et mes souliers s’enfoncent dans le gazon délicat. Les convives se passent les mots de français, les francophones se passent les coupes de champagne. Nous sommes à la soirée de la Cacophonie (Francophonie). Dix zigzags plus tard, l’éloquence du lieu me semble de plus en plus normale. Je plaisante avec le fils de l’ambassadeur norvégien tandis que ma flute ne désemplit pas. Le fils de l’ambassadeur est homosexuel comme tout le monde, je n’insiste pas.
22h00. Je caresse pieds nus le bitume du village des ambassadeurs. Ma robe de princesse se disloque. Une citrouille nous emmène dans un lieu festif plus loin, ou les lumières vont tourner encore plus vite… J’oublie que j’ai 26 ans. I rock the world. Et mon cœur bat encore la chamade…